Après l’assassinat de Samuel Paty, enseignant de l’école de la République, le 16 octobre 2020, la tuerie du 29 octobre à Notre-Dame de Nice, vient nous rappeler les enjeux auxquels notre pays se trouve de nouveau confronté.
Samuel Paty, enseignant d’Histoire-Géographie, était égorgé puis décapité devant son collège, dans un acte d’abjecte barbarie, par un islamiste de 18 ans, nourri au poison de l’extrémisme religieux, de la haine de la liberté de penser et de la haine de l’autre.
Le crime de Samuel Paty ? Avoir fait son métier, simplement, courageusement. Avoir, comme chaque année, illustré un cours d’Enseignement moral et civique sur la liberté de la presse par des caricatures. Parmi ces caricatures, celles publiées par Charlie, qui valurent à ses membres les plus éminents de mourir sous les balles d’autres fous de dieu. Samuel Paty, dont nous ne répéterons jamais assez le nom, était l’objet, depuis deux semaines de la vindicte de parents islamistes radicaux, qui avaient ameuté les réseaux salafistes et fréristes. Cette lapidation virtuelle s’est transformée en une mise à mort bien réelle devant une administration et une police prises de court.
Cet acte d’une insupportable cruauté a précipité le martyre d’un homme de bien et plongé la France dans la peine et la colère. Cette colère semble salutaire ; le gouvernement et le Président de la République, après l’évolution encourageante amorcée par le discours du 2 octobre aux Mureaux, semblent avoir mesuré l’ampleur du péril qui guette notre pays. Ils annoncent et ont commencé à appliquer des mesures policières et judiciaires fortes. Le Collectif laïque national, qui depuis longtemps alertait les pouvoirs publics, souhaite que l’État s’attaque enfin aux menées séditieuses de ceux qui prétendent imposer à la République leurs dogmes et préceptes asservissants.
Mais cette réaction, toute nécessaire qu’elle soit, ne suffira pas à combler les brèches qui ont été ouvertes dans la laïcité depuis près de quarante ans, par des gouvernements aveugles, indifférents, voire complaisants, influencés par les orientations communautaristes et concordataires prônées par l’UE et, en France, par certains milieux intellectuels et universitaires.
C’est tout l’édifice laïque qui est aujourd’hui à reconstruire, dans les institutions comme dans les esprits, dans les termes-mêmes énoncés par la Loi de Séparation du 9 décembre 1905, et dont le principe a été confirmé par la Constitution.
Il est temps d’en finir avec cette lente érosion de nos principes, sous les coups des jurisprudences accumulées par le Conseil d’État, contre la lettre et l’esprit de la Loi de 1905. Il est temps que l’ensemble du territoire français soit enfin uni sous une seule loi émancipatrice. Il est temps de constitutionnaliser les principes de la loi du 9 décembre 1905, définis aux articles 1er et 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État et notamment son article 2 : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».
L’École laïque et républicaine est le creuset de la République, comme l’ont très bien compris ses adversaires et ses ennemis mortels. Il est temps de constater une fois pour toutes l’échec des dérives multiculturalistes au sein de l’école, le danger du dualisme scolaire, pour réhabiliter la formation du citoyen par l’apprentissage des savoirs disciplinaires. Il est temps de former les maîtres pour en refaire des hussards noirs de la République laïque, et non des animateurs prêchant un « vivre ensemble » inconsistant.
Le Collectif ne peut passer sous silence la dérive d’une partie des associations et des syndicats jadis progressistes, de partis et mouvements politiques de droite comme de gauche, qui les a conduits soit à nier les dangers de l’islamisme, soit à pactiser avec lui par angélisme ou par clientélisme électoral. À cette dérive, un organisme institutionnel comme l’Observatoire de la Laïcité a prêté son concours en substituant l’interconvictionnalité à la laïcité, en réduisant le concept de « liberté de conscience » à la seule « liberté de croire ou de ne pas croire ». Cet organisme dépendant du Premier ministre est allé jusqu’à prendre le parti des adversaires de la laïcité, de tribune en préface, de critiques des laïques les plus respectés en tweets incontrôlés.
Des efforts de longue haleine doivent être soutenus par des paroles et des actes publics cohérents et respectueux de nos principes constitutionnels et de nos lois. Le Collectif a dénoncé et dénonce encore toutes les entorses faites quotidiennement à nos principes, dans les communes, les départements, les régions, les services de l’État. Assez de participation des élus à telle ou telle fête religieuse, assez d’inaugurations de lieux de prière, assez d’adjoints aux délégations incluant « les cultes », assez de contournements permanents de la loi de séparation pour financer les cultes… Si la laïcité se manifeste par l’autorité éclairée de l’État et la lutte frontale contre la barbarie islamiste, elle ne reconquerra les coeurs que par le respect par tous, élus et hauts-fonctionnaires en tête, de ses principes et de ses pratiques ; par la concrétisation pour tous des promesses de la République.
Le Collectif reste préoccupé que la construction, sous l’égide des pouvoirs publics, d’un « islam de France » étranger au principe de laïcité, fasse entrer dans ses instances des personnages appartenant ou ayant appartenu à la mouvance islamiste.
La laïcité est LE principe émancipateur de notre temps, contrairement à ce que veulent nous faire croire depuis quarante ans ses ennemis, mais aussi ses faux-amis qui l’empoisonnent à coup d’adjectifs doucereux, d’interconvictionnalité ou de coexistence. Seule la laïcité est capable de nous mener sur le chemin de la liberté, de l’égalité et de la fraternité.
L’événement terrible qui vient de nous frapper nous oblige, en l’honneur et en mémoire de Samuel Paty, à relever le défi d’une laïcité pleine et entière, seule à même d’assurer la paix civile.
Nous en appelons à tous les acteurs de la société civile et politique, aux responsables associatifs et syndicaux, aux enseignants, aux citoyens de la République à quelque niveau de responsabilité qu’ils se trouvent, afin qu’ils se sentent redevables de la transmission des principes républicains, qui ont conduit, au travers des âges et des luttes, à l’émancipation du peuple français.
Monsieur le président de la République, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les représentants du Peuple et les élus territoriaux, le temps des arrangements et des concessions est révolu. Il faut, et nous nous y employons de longue date, redonner aux Français la fierté de leur modèle émancipateur et fraternel.
Fait à Paris, le 04 novembre 2020
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