Cérémonies laïques, pourquoi faire ?
Dans l’Encyclopaedia Universalis, Jean Cazeneuve indique que « pour les biologistes, la ritualisation est la formalisation d’un comportement à motivation émotionnelle ; ils la rattachent au processus de l’évolution et plus particulièrement à l’adaptation aux fonctions de communication. Dans le langage courant, ce terme désigne toute espèce de comportement stéréotypé qui ne semble pas être imposé par quelque nécessité ou par la réalisation d’une finalité selon les moyens rationnels ».
Pour leur part, les sociologues ont identifié plusieurs catégories de rites : Marcel Mauss distingue des rites positifs et des rites négatifs qui, eux, concernent toutes les interdictions.
Claude Lévi-Strauss, pour sa part, constate qu’il existe des rites insérés dans la vie quotidienne et des rites commémoratifs, qui créent un lien entre le déroulement du temps ordinaire et des représentations ou des symboles situés hors du temps. Arnold Van Gennep, en 1909, est le premier à parler des rites de passage pour évoquer les pratiques en vigueur depuis l’Antiquité, dans des aires géographiques et des formations sociales différentes.
Il s’agit de comportements particuliers qui entourent les grandes étapes de l’existence, la naissance, la puberté, la fondation du couple, la mort, sur le plan individuel, et les cycles saisonniers ou l’intronisation d’un chef d’état sur le plan collectif. Tous les rituels de passage concourent à marquer une transition d’un état social à un autre.
Cette transition ressemble à un passage physique et instaure un temps et une coupure destinés à souligner la différence entre l’état antérieur et l’état postérieur, qui se traduit toujours par un statut final socialement supérieur au statut initial.
Á en croire Durkheim, ils constituent l’expression symbolique de l’unité d’un groupe social et des valeurs fondamentales qui permettent aux individus de se représenter la société dont ils sont membres.
Certes, de nos jours, les sociétés modernes ont moins besoin de rites de transition spectaculaires. Toutefois, ils participent encore à l’affirmation de l’identité d’un individu, préservant, par cette reconnaissance collective, la cohésion sociale. Dès lors, la laïcité entend s’affirmer comme une communauté d’êtres humains, porteuse de valeurs capables d’aider à construire positivement une existence humaine.
Il est normal qu’elle permette, à celles et ceux qui le souhaitent, le rappel solennel de ces valeurs à tous les moments importants de la vie, du moins à ceux qui marquent un changement de statut social et qui relèvent du droit civil, c’est-à-dire ceux qui, pour être opposables aux tiers, doivent être enregistrés à la maison communale, et…nulle part ailleurs.
Pour les laïques, chaque existence est unique, dès lors les cérémonies proposées ne se limiteront jamais à des formules « prêtes à penser ». C’est pourquoi la préparation, le temps de réflexion, le choix des textes, des musiques et des intervenants sont essentiels. La précipitation n’engendrerait, en effet, que l’abâtardissement de la pensée.
Quant au lieu, même si le contenu nous importe beaucoup plus, il convient bien évidemment, qu’il soit conforme à la solennité du moment. Et de ce point de vue, l’appui libre et volontaire d’autorités municipales animées d’un esprit de tolérance et d’ouverture reste le bienvenu. « Ce texte est tiré de la publication « Espace de liberté » et l’auteur en est Philippe DRAIZE »