La laïcité et l’Europe sont, cette année, deux des grands thèmes retenus par le Grand-Orient de France pour ses travaux, pris séparément, bien entendu.
La laïcité parce que le gouvernement français a souhaité réviser la loi du 9 décembre 1905. Nous nous demandons pourquoi vouloir modifier une loi qui, depuis 113 ans, fonctionne parfaitement et permet aux différentes communautés de vivre correctement ensemble, alors qu’il y a d’autres problèmes brulants à régler dans notre pays. Néanmoins, puisqu’il y a cette volonté sous prétexte que l’on doit réformer ou organiser l’une ou l’autre religion de notre pays, le GODF se doit de se mobiliser pour s’y opposer, car il tient tout particulièrement aux deux premiers articles de la loi de 1905 et aux grands principes qu’elle pose. L’Europe est notre autre grand sujet, parce que nous avons fait le constat de la situation compliquée qui est celle de l’Europe aujourd’hui. Que ce soit la situation des institutions européennes elles-mêmes ou la situation dans un certain nombre de pays européens avec la montée des extrémismes.
Cela touche bien évidemment notre pays également. Pour les prochaines élections européennes, nous avons appelé fermement à ce que le vote soit massif ; je dirais que l’on vote pour qui l’on veut, dans la mesure où ce sera pour des listes qui répondent à nos principes et à nos valeurs, c’est-à-dire qui ne sont pas des listes extrémistes. Pourquoi faut-il sauver l’Europe ? Son organisation et ses orientations actuelles ne nous conviennent pas forcément.
Nous la préfèrerions plus sociale, plus solidaire et plus juste. Mais, en tout état de cause, l’outil existe aujourd’hui et, après le brexit, le départ éventuel d’autres pays serait sonner le glas de nos institutions européennes. Nos anciens ont créé cette Europe au lendemain de la guerre parce qu’ils cherchaient à rapprocher les peuples. Je crois que notre responsabilité aujourd’hui à l’égard de l’Europe – et même si, encore une fois, aujourd’hui elle ne correspond pas forcément à ce que nous voulons – est de la sauver, et surtout de la faire évoluer.
Ce soir, nous nous retrouvons pour une conférence qui conjugue ces deux thèmes : laïcité et Europe. La laïcité paraît un système essentiellement français, souvent mal compris au-delà de nos frontières. Je pense par exemple au Comité des Droits de l’Homme de l’ONU, qui, par deux fois – dans l’affaire de la crèche « Baby Loup » et sur le port du niqab dans l’espace public – a démontré une 4 étroitesse d’esprit et une volonté de ne pas comprendre l’esprit de cette laïcité dans notre système juridique national. La laïcité française n’est pas que le fruit de l’histoire ; elle va aussi avec notre culture.
Elle vient des Lumières ; elle est passée par la Révolution française ; elle est aujourd’hui en évolution et elle a un avenir dans la République. En Europe, c’est certes plus compliqué. On parle peut-être de laïcité dans certains pays. Mais, chaque pays a sa culture et son histoire, et souvent – on peut le dire – un attachement fort aux racines judéo-chrétiennes. Pourtant, cela n’empêche pas une pratique sécularisée des institutions dans la plupart des pays européens.
Je crois qu’il est important de ne pas donner l’impression que l’on veut exporter notre concept, mais, plutôt, de vouloir en discuter le contenu. Car, en effet, la laïcité c’est avant tout la liberté de conscience et la séparation des cultes et de l’État. Des concepts qui peuvent être partagés. Et par-dessus tout, la notion de laïcité contient un projet émancipateur, dont l’objectif à travers le monde ne peut qu’être aussi partagé.