Propos d’introduction de Jean-Philippe HUBSCH, Grand Maître du Grand Orient de France
La liberté est la seule valeur impérissable de l’histoire. Ces mots d’Albert Camus résonnent douloureusement avec notre actualité. La barbarie dont a été victime le professeur Samuel Paty au nom de l’islamisme politique nous montre une fois encore que l’enseignement de l’esprit des Lumières et de la liberté d’expression est devenu passible de mort.
L’indépendance des contenus scolaires vis-à-vis des religions est une exigence civique. Condition nécessaire pour contrer toute forme d’obscurantisme liberticide, elle est, comme ce crime tragique nous le rappelle, sans cesse à reconquérir. Ce combat est fondamentalement laïque car il vise à tenir séparé ce qui relève de la connaissance et ce qui concerne les croyances de chacun.
L’emprise du religieux sur l’école et ses savoirs est sans nul doute la forme la plus visible des régressions contemporaines. Mais cette menace est malheureusement protéiforme. On voit apparaître de nouvelles spiritualités dont l’emprise sur l’organisation de nos sociétés ne doit pas être sous-estimée. Des sujets à l’université sont censurés au motif que les savoirs ne seraient que des opinions imposées par la majorité dominante susceptibles de heurter les sensibilités de différentes minorités.
La remise en cause de l’universalité des connaissances est régulière. Quand cela arrive, les savoirs deviennent rattachés à l’identité de celui qui les produit.
À l’instar de ce que furent jadis les mathématiques aryennes ou la génétique prolétarienne, il y aurait aujourd’hui une sociologie intersectionnelle ou viriliste. Face à la crise mondiale de la pandémie et à l’urgence des enjeux environnementaux, notre rapport au monde vivant et à la nature focalise à juste titre l’attention des médias et des politiques.
Les outils de l’écologie rationnelle sont indispensables pour relever ce défi qui s’adresse à tous. Aussi, l’emprise immédiate des affects sur ces préoccupations fracasse la patience de la raison et accélère la recomposition des spiritualités collectives. Les peurs collectives de la contagion mettent sur le devant de la scène de nouveaux prêcheurs et alimentent des dérives sectaires.
On a vu proliférer pendant le confinement des interprétations pseudo-scientifiques du jugement dernier avec en arrière-plan l’idée d’une nature vengeresse qui adresserait un ultimatum à l’humanité. Cette rhétorique rejoint celle de la punition divine qui jalonne l’histoire des épidémies. Le danger est de confondre nos peurs et nos croyances avec ce que l’on sait et ce que l’on peut prouver.
Il est impératif que la culture scientifique reste indépendante de l’interprétation qu’en font les communautés si on veut répondre efficacement aux défis climatiques et environnementaux qui menacent notre planète. Ainsi, l’organisation laïque d’un État est la seule qui soit en mesure de responsabiliser de façon équitable chaque citoyen dans le souci de l’intérêt général.
Dans ce combat, il est autant question de notre rapport collectif à l’environnement que de la sauvegarde de nos principes républicains. Lutter contre ces nouveaux inquisiteurs et leurs bûchers, tel doit être l’engagement du Franc-maçon.Assassiner un enseignant, c’est assassiner l’école de la République.
Assassiner la culture scientifique, c’est assassiner la possibilité même de toute République.